Jeudi soir dernier, le 7 novembre, sur France 2, Envoyé spécial s’est penché, avec un documentaire assez long de près d'une heure, sur la chaîne de production des poissons d’élevage, qui représentent la moitié du marché français. L’équipe de journalistes a enquêté aux quatre coins du monde sur l’utilisation de farines animales, le recours massif aux antibiotiques et aux pesticides ou encore la pollution au mercure.
Et leurs conclusions sont sans appel : bien que recommandé par les médecins et les nutritionnistes, le poisson, aliment à l’image saine par excellence, pourrait être à l'origine du prochain gros scandale sanitaire mondial. D'autant que nous en consommons de plus en plus (27 kilos par habitant et par an en France, soit deux fois plus qu'il y a 50 ans, et plus que la consommation actuelle de poulet) et qu'il faut produire toujours plus pour faire face à notre demande. Deux produits sont tout particulièrement en ligne de mire du documentaire : d'abord, le saumon de Norvège, dont les élevages industriels utilisent massivement des produits chimiques pour endiguer les parasites et les maladies qui se multiplient dans les bassins du fait de la surpopulation (produits chimiques qui sont stockés dans la graisse de ces poissons, deux à six fois plus gras que leurs congénères sauvages), et ensuite le panga du Vietnam, peu ou prou soumis aux mêmes traitements pour les mêmes raisons. Un doute supplémentaire est introduit du fait des granulés souvent utilisés pour nourrir ces poissons, dont les ingrédients principaux sont des poissons toxiques issus des eaux polluées de la Baltique et désormais impropres à la consommation humaine, ainsi que des composants chimiques (comme l'éthoxyquine, un pesticide produit par Monsanto) dont les effets n'ont jamais été testés sur la santé humaine et dont l'utilisation dans les élevages piscicoles, non-officielle, n'est même pas réglementée…
Parmi les séquences-chocs issues de ce documentaire, on se souviendra notamment des employés des élevages norvégiens pulvérisant dans les bassins, avec combinaisons et masques à gaz, des liquides supposés être des pesticides toxiques et utilisés ici pour soigner les poissons rongés de parasites et de maladies ; des histogrammes d'un chercheur français travaillant en Norvège qui compare la concentration de produits chimiques toxiques présents dans différents aliments achetés en supermarchés… et sur lesquels le saumon d'élevage caracole en tête avec une colonne multicolore peu ragoutante, révélant une toxicité cinq fois supérieure à celle des autres aliments ; mais aussi des enfants dégustant innocemment dans nos cantines des filets de panga (ce poisson sans goût, comme l'avoue l'un des industriels vietnamiens interrogés, et surtout très peu cher) ; ou encore du cancérologue Jean-Loup Mouysset conseillant aux femmes atteintes d'un cancer du sein de ne plus consommer de saumon ni de thon, et de leur préférer de petits poissons comme les maquereaux ou les sardines ; et enfin de la Ministre norvégienne en charge de la pêche bottant en touche assez lamentablement quand le journaliste l'interroge sur la censure dont ont été victimes tous les chercheurs du pays ayant enquêté sur l'éthoxyquine et les autres composés toxiques retrouvés dans les saumons d'élevage (on apprend incidemment, un peu plus tard, qu'elle et sa famille sont actionnaires d'un des plus gros élevages du pays).
Quelle influence cette émission aura-t-elle sur les consommateurs ? Difficile de le savoir, mais il est intéressant de noter que cette émission a passionné 4.44 millions de téléspectateurs, soit 16.5% du public présent devant son poste de télévision ce soir-là de 20h50 à 22h20 - ce qui représente le meilleur score d’Envoyé Spécial depuis un an, tant en en audience qu'en part d’audience. Dommage quand même que le documentaire ne donne pas beaucoup de pistes de solutions - en invitant les consommateurs à poser aux restaurateurs et notamment aux fabricants de sushis la question de l'origine du saumon vendu quand elle n'est pas spécifiée, en suggérant aux parents de demander aux cantines de cesser de servir du panga à nos enfants, en indiquant les origines moins suspectes que la Baltique pour le poisson sauvage (Alaska par exemple) ou en signalant l'existence d'élevages bio pour un certain nombre d'espèces (bar, saumon, dorade, crevettes).
L'émission peut être visionnée en replay, et pour en savoir plus, vous pouvez aussi consulter nos fiches-produits sur le poisson et le saumon. Bon appétit !