Il paraît que le chewing-gum aide à réfléchir : tant mieux, car aujourd'hui mâcher intelligent c'est avant tout mâcher écologique, comme le montre notre petit guide sur le sujet.
Emblème de la culture américaine et de son déferlement sur le monde, le chewing-gum est en réalité une gomme à mâcher dont les origines sont aussi anciennes que l’humanité, puisque certains hommes préhistoriques, puis les Grecs anciens et les Mayas après eux, mastiquaient des gommes végétales, sans doute pour se muscler les mâchoires. Mais le produit tel que nous le connaissons aujourd’hui, remonte à la fin du 19ième siècle, lorsqu’un Américain mélangea le latex issu du sapotillier, que mâchaient les Mayas, avec de la réglisse pour fabriquer et commercialiser les premiers chewing-gums. Officiellement reconnu comme un aliment en 1939 aux Etats-Unis, le chewing-gum fut popularisé en France lors de la libération en 1944 (l’armée américaine en distribuaient à ses troupes car il est censé aider à se concentrer et à lutter contre le stress). Puis l’industrialisation est passée par là : ses composants n'ont plus grand-chose de naturel et il est devenu de surcroît emblématique de notre tendance à nous débarrasser de nos déchets sans se soucier le moins du monde de l’environnement, décorant d’une multitude de taches blanches peu esthétiques les rues et les plus beaux sites urbains… Comment faire dans ce cas pour mâcher intelligent et responsable ?
- Le consommateur américain consomme 300 chewing-gums par an, soit un peu moins d’un par jour, et le marché, dans la plupart des pays occidentaux, reste dominé par la marque historique Wrigley’s – une entreprise familiale qui fut la première à commercialiser ce produit et qui représente désormais 90% du marché européen. Lequel est en forte croissance : en Angleterre par exemple, les ventes ont augmenté de 33% entre 1998 et 2004. Mais la France n’est pas en reste : nous sommes le deuxième pays consommateur mondial de chewing-gum (derrière les Etats-Unis) avec 5 chewing-gums par semaine. Une confiserie sur trois vendues dans l’Hexagone est un chewing-gum et six Français sur dix en consomment au moins assez régulièrement (neuf sur dix chez les 8-19 ans et huit sur dix chez les 20-24 ans).
- Traditionnellement, le chewing-gum est donc essentiellement composé d’une gomme naturelle, le chiclé, qui est en fait issu du latex blanc du sapotier (ou sapotillier), un arbre sauvage que l’on trouve principalement dans les forêts anciennes d'Amérique centrale et du sud. Cet arbre et son exploitation jouent encore un rôle important dans l’économie traditionnelle de certains pays d’Amérique latine, comme le Guatemala ou le Mexique. Quelques 5 000 « chicleros » en collectent la résine, un peu comme on le fait pour le caoutchouc avec une entaille et de petits seaux : ils sont également surnommés « gardiens de la forêt » car leur connaissance de la nature leur permet, en tapant sur les troncs, de reconnaître les arbres sur lesquels des prélèvements peuvent être faits en minimisant les risques pour l’arbre. Bien connu et utilisé par les Aztèques et les Mayas, le chiclé doit ensuite être bouilli pour obtenir la gomme qui est le composant principal du chewing-gum.
- Mais avec l’industrialisation et la recherche des coûts les plus bas possibles, le chiclé a été progressivement remplacé, pour la fabrication du chewing-gum, par des gommes de synthèse : il ne représente plus qu'à peine 3,5% du marché total du chewing-gum. Signe de cette évolution : en 1930, les Etats-Unis importaient 6 000 tonnes par an de chiclé, une quantité passée à 1 000 tonnes au milieu des années 60 et à moins de 4 tonnes au début des années 90 (seuls le Japon et l’Italie continuent à acheter des quantités significatives de chiclé). Les gommes artificielles sont fabriquées à partir de polymères issus du pétrole par un procédé industriel très similaire à celui qui produit, après la vulcanisation, la gomme synthétique utilisée dans les pneus de véhicules (c’est d’ailleurs encore l’inventeur du caoutchouc synthétique et fabricant de pneus Goodyear qui produit la matière première pour la première marque mondiale de chewing-gums, Wridley’s). Pour obtenir le chewing-gum, cette matière première est ensuite mélangée avec du sirop de sucre industriel ou de fructose issu du maïs (70% du produit fini), puis avec des huiles essentielles ou parfums artificiels de menthe, cannelle ou autre, et dans certains cas avec des colorants. Là encore, les ingrédients naturels se sont raréfiés en même temps que la production s’industrialisait et que les formules se complexifiaient (on trouve aujourd’hui jusqu’à 100 ingrédients chimiques différents dans le chewing-gum ). Sur le segment le plus porteur du marché, les « sans sucre » (plus de 9 chewing-gums sur 10), le goût sucré est obtenu en ajoutant des édulcorants comme le xylitol (extrait de l’écorce de bouleau) mais aussi des produits de synthèse comme l’asparatame, le cyclamate (dont les effets sur la santé sont controversés) ou la saccharine (également controversée et interdite dans des pays comme le Canada ou les Etats-Unis). Le chewing-gum est enfin enveloppé dans des feuilles d’aluminium et des boîtes en papier ou carton, des emballages qui finissent également souvent dans la nature…
- Après utilisation, le produit fini, largement non-biodégradable (jeté dans la nature, il met 5 à 6 ans à disparaître), est le plus souvent jeté dans la rue puis écrasé par des passants ou des voitures, ce qui le fait pénétrer dans les interstices du bitume. Ensuite il colle et durcit… et devient quasiment impossible à enlever. Ce qui explique que dès 1933, Wrigley’s ait fait figurer sur ses paquets un conseil incitant ses clients à conserver le papier d’emballage puis à l’utiliser pour emballer le chewing-gum une fois consommé. Aujourd’hui, les chewing-gums représenteraient en Angleterre un tiers des ordures trouvées dans la rue, avec un coût exhorbitant pour le nettoyage : un chewing-gum coûte environ 5 centimes à l’achat mais 3 fois plus à nettoyer, de sorte que la facture publique de nettoyage se monte à 6 millions d’euros par an pour la seule ville de Londres et à plus de 220 millions d’euros sur toute la Grande-Bretagne. Et le problème est sans fin puisque, si le chewing-gum collé au sol prend du temps à enlever (17 semaines au total pour nettoyer la seule rue londonienne d’Oxford Street), ses consommateurs sont généralement prompts à en repaver les rues (la même rue est recouverte en 10 jours seulement après nettoyage)…
- Des marques alternatives de produits naturels se développent : ainsi, aux Etats-Unis, Glee gum propose des chewing-gums sans colorants, parfums ou conservateurs de synthèse, mais aussi et surtout fabriqués à partir de la gomme traditionnelle, le chiclé, issu de la forêt amazonienne et récolté par les « chicleros » du Guatemala. En France, quelques produits sont disponibles dans les magasins bio et sur les sites de vente en ligne spécialisés…
- Mobilisée sur le sujet de la pollution urbaine par le chewing-gum, l’Angleterre a pris une longueur d’avance : certaines villes ont mis en place des amendes importantes (jusqu’à 75 euros) pour quiconque serait vu en train de jeter un chewing-gum dans la rue, ce qui a eu pour effet de réduire jusqu’à 80% les quantités de chewing-gums finissant sur le bitume. Et une commission mandatée par le gouvernement irlandais en 2004 a même très sérieusement recommandé d’appliquer le principe du « pollueur-payeur » et d’instaurer une taxe de 10% sur les chewing-gums pour financer le coût du nettoyage des rues, à l’image de la « plastax » déjà mise en place avec succès sur les sacs plastique. Une menace qui a poussé le leader du marché, Wrigley’s, à s’engager sur une contribution de 7 millions d’euros visant d’une part à éduquer ses consommateurs, et d’autre part à investir pour fabriquer des chewing-gums biodégradables, non collants ou en tout cas plus faciles à nettoyer… Et le mouvement s’est répandu dans le pays : soucieux de prouver leur bonne volonté, les fabricants se sont associés aux Pouvoirs Publics au sein d’un « Chewing-gum action group » qui mène depuis 2003 des campagnes de sensibilisation dans les villes britanniques (en 2006, les quantités de chewing-gums jetés dans la rue ont ainsi été réduites de 38% en moyenne sur le territoire).
- Une fondation environnementale suisse spécialisée dans la montagne, la Summit Foundation, a créé il y a quelques années l’écobox, une petite boîte ronde, étanche, en fer blanc recyclé, réalisée au sein d'ateliers protégés, qui permet à chacun de conserver toutes sortes de petits déchets (dont les chewing-gums, les mégots de cigarettes, les petits papiers d'emballage), afin de ne plus les éparpiller dans la nature. Depuis, l’écobox est donnée ou vendue en version personnalisée, notamment au moment des sports d’hiver, par des associations environnementales comme Mountain Riders ou par des marques soucieuses de prouver ainsi leur engagement écologique.
- Enfin, dans les pays où les villes se mobilisent pour mettre un terme à la pollution urbaine par le chewing-gum, des entreprises proposent des solutions innovantes à ce problème : c’est le cas de la société canadienne Envyrobubble et de l’entreprise britannique Gummy Bins qui ont créé de petites poubelles spécifiques à fixer sur des murs ou des lampadaires, pouvant contenir 250 à 1 000 chewing-gums, l’idée étant ensuite d’assurer le recyclage des chewing-gums, par exemple en matériau de construction.
- Limitez votre consommation de chewing-gums, si possible… Et préférez les alternatives naturelles si vous arrivez à en trouver.
- Naturellement, à chaque fois que vous consommez des chewing-gums, équipez-vous d’une écobox ou prenez soin de conserver le papier d’emballage pour enrober le chewing-gum une fois fini, et en tout cas évitez absolument de le jeter ailleurs que dans une poubelle (verte, si vous faites le tri).