Pas si cool pour la planète, le jean... mais que faire pour en alléger l'impact, des champs de coton à la poubelle ?
Indémodable et familier : son étiquette affiche un prix variable et ses impacts sociaux et environnementaux ne sont pas des moindres puisqu’on sait que les coulisses de l'industrie textile ne sont pas toujours reluisantes. Et c’est sans parler de son impact environnemental, depuis la culture du coton (intense en pesticides), la transformation avec teintures polluantes, le transport (certains pantalons vendus en France combinent du coton indonésien confectionné au Bangladesh, avec une fermeture éclair bangladaise et des boutons ou rivets venus de Hong-Kong) ou enfin le lavage et le pressing ! Comment choisir et entretenir son jean en étant tranquille pour la planète ? Suivez le guide…
- Le cycle de vie d'un jean comprend deux stades : d’abord, la production, depuis la culture de coton jusqu'aux traitements du pantalon (délavage, par exemple), représente des émissions de gaz à effet de serre non négligeables. Preuve que les apparences peuvent être trompeuses en matière de fibres "naturelles", la culture du coton est une des plus polluantes de la planète : elle représente 2,5% de la terre arable et 11% des pesticides utilisés selon l’Ademe. Au total, la production d'un kilo de coton (de quoi produire un jean) nécessite 5 000 à 25 000 litres d'eau selon les régions du monde, 75 gr de pesticides, 2 kg d'engrais chimiques.
- Les victimes de ces pratiques sont en premier lieu les personnes travaillant dans les exploitations (impacts sanitaires des produits utilisés, etc) : selon l’OMS, 1,5 million de travailleurs de coton sont victimes chaque année d’intoxications graves et près de 30 000 en meurent. En 2010, Greenpeace avait déjà dénoncé, à travers un rapport accablant, l’état des rivières avoisinant Xintang, une ville située dans le sud de la Chine, qui produit près de 800 000 millions de jeans par jour. En Inde, le quotidien Indian Express rapporte des cas d'intoxications mortelles liées à l'utilisation de pesticides interdits en Europe (et classés dans la catégorie de danger n°1 par l'ONU). RFI fait également état d’inquiétudes liées aux plantes transgéniques, de moins en moins résistantes, qui impliquent l’utilisation croissante de pesticides. En Inde, toujours selon RFI, 98% de la production de coton est obtenue à partir d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Évidemment, si le coton est bio, cela est moins dommageable pour les rivières et nappes phréatiques, puisqu'il n'a requis aucun produit chimique pour sa culture.
- Quel est le coût d’un jean ? Selon Campagnes Vêtement Propres, 50% de son prix est généralement lié au commerce de détail et à la TVA. Utilisés pour payer le salaire versé aux salariés, le service administratif ainsi que pour combler les marges, les 25% suivants reviennent à la marque. 13% du prix est reversé aux usines de confection, pour ses frais de fonctionnement et ses marges. Le transport, qui représente d’ailleurs un coût environnemental important, accapare 11% du prix. D’ailleurs, selon l’Ademe, un jean pourrait parcourir, du champ de coton à la boutique, jusqu'à 65 000 km, soit une fois et demi le tour de la Terre. Enfin, seulement 1% du prix de notre jean est versé à la main d’œuvre. Concrètement, pour un jean vendu 40€ dans un magasin en Europe, seulement 40 centimes sont reversés à l’ensemble des ouvriers.
- La culture du coton est très gourmande en eau. Cette matière première pousse généralement dans des régions chaudes, comme le Mexique ou l’Inde. L’irrigation intensive raréfie l’eau et compromet l’accès à l ‘eau potable de la population. La mer d’Aral, à cheval entre l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, a perdu entre 1960 et 2000, 60% de sa superficie et 80% de son volume, en raison du détournement d’une partie des deux fleuves qui l’irriguait pour approvisionner les champs de coton.
- Enfin viennent la teinture et la transformation : si le pantalon est produit dans un pays ne disposant d'aucune législation sur le traitement des eaux, il se transforme vite en horreur écologique. A chaque étape (ennoblissement de la fibre, puis teinture et délavage), les usines de production déversent des quantités de produits chimiques dans la nature si les eaux ne sont pas traitées. D’ailleurs, pour traiter un jean, différents produits aux noms barbares sont appliqués : les éthoxylates de nonylphénols, les composés perfluorés ou encore les colorants azoïques. Ils contribuent à l’infroissabilité de votre jean, et empêchent la matière de moisir mais sont désastreux pour l’environnement et la santé puisqu’ils sont corrosifs et provoquent des maladies respiratoires. Outre le danger pour les ouvriers, cela peut aussi constituer un risque pour le client, car si les colorants toxiques sont mal fixés, ils peuvent provoquer des dégorgements sur la peau (via la transpiration), mais aussi une assimilation et dégradation du colorant par l'organisme provoquant des concentrations au niveau de la vessie et des risques de cancer.
- La deuxième étape commence une fois que le jean est produit et vendu : il s'agit de l’utilisation (nettoyage, repassage...) et de la fin de vie. Plus on lave son jean, plus on use la planète ! Évidemment, la machine à laver consomme de l'énergie, sans compter le sèche-linge et même le fer à repasser qui font exploser les compteurs électriques. L’impact est encore pire si vous donnez votre jean au pressing, ce que font certains pour les jeans de luxe, avec dentelles, paillètes, peintures. Car les procédés de teinturerie utilisent des produits toxiques, comme le perchloréthylène, et consomment beaucoup d'énergie.
- Si, comme chacun le sait, les questions de délocalisation et de sous-traitance dans les pays émergents ne sont plus seulement aujourd'hui l'affaire des entreprises du textile, elles ont cependant été les premières, il y a plus d'une dizaine d'années, à s'engouffrer dans cette voie pour baisser leurs coûts de production et rester compétitives sur des marchés très disputés. Il n’est donc pas étonnant que le secteur ait été en première ligne, à la fin des années 90, des débats sur les conditions de travail dans les usines de sous-traitance…
- Greenpeace ou Clean Clothes Campaign, deux associations qui s’engagent respectivement dans la protection de l’environnement et le respect des droits sociaux, publient régulièrement des enquêtes sur les différentes marques. En croisant les enquêtes, voici le bilan : H&M, Inditex, United Colors of Benetton ou bien Levi’s sont des marques en bonnes voies. D’ailleurs, Levi’s a décidé d’agir en faveur d’une production plus durable, en mettant en place le programme Better Cotton. La marque H&M, quant à elle, a choisi l’upcycling grâce à l’initiative « Close the Loop » permettant le réemploi de vieux vêtements déposés en magasins par des clients. En revanche, Esprit, Diesel ou bien GAP sont des marques vestimentaires à proscrire !
- Plus respectueuses de l’environnement et des droits des travailleurs, des marques alternatives se sont développés : Kings of Indigo, Mud Jeans ou encore Monkee Genes. Il existe aussi Rica Lewis qui vend ses produits en grandes surfaces ; la marque a lancé en 2006 le premier jean équitable labellisé Max Havelaar, une déclinaison du modèle-phare de la marque, le RL70. La marque Bonobo a lancé en 2015 une gamme de jeans éco-conçus pour laquelle des matières écologiques et biologiques sont utilisées (Tencel, Modal mais aussi laine, polyester et coton recyclé), de même qu'un procédé de fabrication moins consommateur d'eau.
- Bonne nouvelle : le jean fabriqué en France, ça existe aussi ! C’est en tout cas le pari de la marque 1083 qui commercialise des chaussures et jeans éco-conçus et fabriqués (c’est à dire teints, tissés et confectionnés) à moins de 1 083 kms de chez vous. Sur un prix de vente de 89 €, près de 86 € irriguent ainsi l’économie locale française - de Tourcoing, où est réalisée une partie du tissage, à Marseille, où sont entièrement confectionnés les jeans. Même logique pour les accessoires : les fermetures à glissière sont fabriquées dans le département du Nord, les fils à coudre à Villeneuve d’Ascq, les fonds de poche tissés en coton biologique et issus du commerce équitable sont confectionnés dans la Loire. Fils à coudre, autocollants et étiquettes cartons, étiquettes intérieures, biais protégeant les coutures et sachets postaux utilisés pour livrer les jeans sont également fabriqués dans des usines françaises. La marque 1083 joue d’ailleurs la transparence et précise sur son site que seule la filature du coton bio ainsi que les boutons et rivets proviennent de notre voisin italien.
- Si vous maniez la machine à coudre comme personne, 1083 met également à disposition gratuitement les patrons de ses modèles de jeans pour que vous puissiez les reproduire chez vous. Toutefois, elle n’est pas la seule à s’être lancée dans cette démarche ! Remade propose également des jeans éco-conçus, fabriqués en Normandie à partir de découpes de jeans collectés par l’association « Le Relais » dans le Tarn, notamment auprès du centre de tri de Mazamet. Seuls les boutons proviennent d’Italie.
- Il ne s’agit pas de renoncer au jean mais d’adopter des comportements d'achat et d'utilisation qui minimisent son impact sur l'environnement. En premier lieu, pourquoi ne pas opter pour un jean d’occasion ? Les friperies regorgent de jeans encore en bon état qui ne demandent qu’à être portés pour éviter la case poubelle. Certaines marques se lancent même sur ce créneau comme Mud Jeans qui propose, en parallèle de ses jeans neufs éco-conçus, des jeans Mud vintage renvoyés à la marque par des clients et vendus moins chers. Si vous tenez à acheter un jean neuf, essayez si possible de le choisir en coton bio et sinon, demandez l’origine de la toile, si le-la vendeu-r-se la connaît. Ensuite, il est judicieux de suivre quelques règles de base : porter son pantalon plusieurs jours par semaine au lieu d'un seul ; le laver toutes les cinq utilisations, plus si possible mais pas moins ; le laver dans une machine de classe A et à froid ; mieux (et donc moins) doser la lessive ; et enfin ne jamais le repasser (une personne sur deux repasse ses jeans) ni le faire sécher en machine.
- Vous pouvez opter pour les jeans éco-labellisés Oeko-Tex, un label qui garantit des vêtements sains grâce à la stricte limitation de produits chimiques ou encore Max Havelaar, qui certifie le caractère équitable du coton et encourage également l’utilisation de coton biologique, grâce à des surprimes, sans pour autant le rendre obligatoire.
- Quand il sera usé jusqu’à la corde, mieux vaut toujours le donner, le revendre ou le transformer en chiffons de peinture pour les petits, plutôt que de le jeter aux ordures où il finira dans un incinérateur.