Utopies © - Fashion for good - Les futurs de la marque responsable, comment ouvrir les voies d'une mode durable et désirable Le vrai coût des prix bas La vie locale Choix par défaut, choix sans défaut
Une initiative de
Utopies © - Agence qui se donne pour charge de promouvoir la responsabilité sociale auprès des entreprises et le développement durable.
Chocolat

CHOCOLAT

On veut tous du chocolat ! A Pâques, à Noël ou toute l'année, impossible de se passer de cette friandise à nulle autre pareille. D'ailleurs, on en consomme de plus en plus. Mais les paysans qui cultivent les cacaotiers, qu'en disent-ils ?

Les Mayas et les Aztèques fabriquaient une boisson appelée « chocolat », à partir des fèves de cacao, qu’ils utilisaient aussi pour payer les impôts et les esclaves. En Europe, c’est Charles Quint et sa cour qui les premiers deviennent accro à ce nouveau breuvage qu’ils agrémentent de miel. Au fil des siècles, la fièvre du cacao se propage dans le monde entier. Les colons hollandais l’introduisent à Java en 1560, les Espagnols aux Philippines en 1614. Les Anglais la cultivent à Ceylan, en Inde, à Madagascar, aux îles Fidji, à partir du XIXème siècle et en 1871, les fèves atteignent l’Afrique par le Ghana. Et c’est là aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest, qu’elles sont le plus cultivées. Les choco-addicts, eux, sont surtout chez nous, au Nord (Europe, Etats-Unis et Canada). Et si nous connaissions vraiment les conditions dans lesquelles travaillent les producteurs, auraient-elles le même goût, nos tablettes de noir 70%, lait-amande ou praliné-noisette ? Sans doute pas. Elles prendraient subitement une saveur un peu trop amère…

Afficher Masquer

Le saviez-vous ?

  • On récolte les cabosses, fruits du cacaotier, puis on les casse, pour récupérer à l’intérieur les graines enrobées d’une pulpe blanche. On les laisse fermenter pendant quelques jours, puis sécher. Les graines sont ensuite concassées, torréfiées. Vient le temps du broyage pour obtenir une pâte de cacao, qui, une fois pressée, donne d’un côté du beurre de cacao, de l’autre, des tourteaux, qui à nouveau broyés deviennent de la poudre de cacao.

  • Le cacao est produit massivement par des paysans modestes. Près de 90% des exploitations dans le monde couvrent moins de 5 hectares. Certains pays producteurs transforment la presque totalité de leur récolte sur place (Brésil, Malaisie). Ce qui n’est pas le cas en Afrique de l’Ouest, où le travail des paysans s’arrête le plus souvent au séchage. Il leur est par ailleurs impossible de stocker les fèves à cause du climat, ils sont du coup soumis aux aléas des cours mondiaux, qui se décident sur les bourses de matières premières à Londres et New York. Trois grands exportateurs de cacao dominent le marché : ADM cocoa, Cargill, Barry Callebaut. Pour ce qui est de la fabrication de produits finis et de la distribution aux consommateurs, six multinationales contrôlent 80% du marché : Cadburry-Schweppes, Ferrero, Hershey, Mars, Nestlé, Altria (ex-Philip Morris).

  • La récolte du cacao (3,5 millions de tonnes annuelles) mobilise 14 millions de personnes dans la cinquantaine de pays tropicaux où il est produit, en Afrique de l’Ouest, en Asie (Indonésie, Malaisie…), en Amérique (Brésil, Colombie, Venezuela, Equateur, République Dominicaine…). Les trois principaux producteurs sont la Côte d’Ivoire (39%), le Ghana  (21%) et l’Indonésie (13%).

  • A l’état naturel, le cacaotier pousse à l’abri de la forêt. Mais pour satisfaire la demande croissante, on a mis au point des arbres hybrides capables de pousser en plein soleil. Du coup, on a commencé à défricher les forêts pour y planter des champs de cacaotier, en monoculture. Aujourd’hui, alors que la demande augmente, le défrichage continue.

  • Les plantations de cacao sont tristement réputées pour leur recours au travail des enfants. En 2002, The International Institute of Tropical Agriculture (IITA) publiait un rapport sur le travail des enfants dans le secteur du cacao en Afrique de l’Ouest (« Child labor in the cocoa sector of West Africa »). Verdict : 284 000 enfants travailleraient dans les fermes de cacao, à des tâches risquées (ils manient des machettes, ou répandent pesticides et insecticides sans protection). La plupart d’entre eux sont les filles et fils des paysans. Leurs parents sont trop pauvres pour les envoyer à l’école et les font travailler avec eux. Mais l’IITA comptabilise aussi 12 500 enfants sans aucun lien de parenté avec les producteurs de cacao. Ces enfants sont selon toute vraisemblance victimes d’un trafic de main d’œuvre et viennent du Mali, du Burkina Faso ou du Togo, et travaillent de façon harassante pour pratiquement rien.

  • Quant au commerce du cacao, il est accusé, dans certains pays producteurs d’Afrique, de financer l’achat d’armes servant à alimenter les guerres civiles. Dans un rapport intitulé « Chocolat chaud : comment le cacao a alimenté le conflit en Côte d’Ivoire », publié en 2007, Global Witness révélait que 118 millions de dollars issus du commerce du cacao avaient financé les deux parties dans le récent conflit armé ivoirien. Selon l’ONG, le gouvernement du principal pays producteur de cacao a détourné plus de 58 millions de dollars pour financer l’effort de guerre. Les rebelles des Forces Nouvelles, de leur côté, ont racketté les camions acheminant le cacao à travers le pays (pour financer leur mouvement et enrichir leurs dirigeants). Global Witness mentionne aussi des actes d’intimidation contre ceux qui ont voulu enquêter sur la corruption du secteur, avec notamment la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer en 2004 et l’enlèvement d’un juriste français auditant la filière pour le compte de l’Union européenne. Un accord de paix est intervenu en 2007, mais Global Witness affirme que l’ex-rébellion continue à percevoir des taxes sur le cacao en 2008.
Afficher Masquer

Bonnes nouvelles

  • La filière équitable du cacao est dérisoire, avec ses 0,1% du marché mondial. Mais plusieurs acteurs affirment que la demande des consommateurs augmente. Quant au cacao bio, il représente près de 0,5% du marché. Selon Euromonitor International, le chiffre d’affaires du cacao bio est passé de 171 millions de dollars en 2002 à 304 millions en 2005. C’est un plus pour l’environnement et pour le niveau de vie des fermiers aussi, puisque le cacao bio se vend plus cher que le conventionnel, et comme il n’utilise pas de pesticides, la santé des travailleurs s’en trouve également améliorée. Et dans beaucoup de cas, le chocolat est bio et équitable : beaucoup de marques le proposent désormais, en version noir, blanc ou au lait, en grandes surfaces. Il existe même en poudre de cacao pour le petit déjeuner…

  • Dans de nombreux pays, on expérimente des modes de production dignes. L’ONG Rainforest Alliance collabore par exemple depuis plus de dix ans avec l’ONG Conservación y Desarrollo en Equateur. Le but : soutenir des coopératives de petits fermiers et développer et tester des standards de production à la fois socialement et écologiquement responsables. Près de 2000 producteurs de cacao réunis dans 5 communautés sont concernés par ce programme qui leur permet de partager les outils de transformation du cacao, de récolter des cabosses qui n’ont pas reçu de pesticides et ont poussé tranquillement à l’ombre de la canopée, au cœur de la forêt tropicale. Rainforest Alliance vient par ailleurs d’entamer un programme similaire en Côte d’Ivoire.

  • En 2001, aux Etats-Unis, après une flambée médiatique, l’industrie du chocolat s’est engagée à agir. Elle a signé un protocole avec le Parlement américain pour éliminer les pires formes de travail des enfants et de travail forcé sur les plantations de cacao. Le protocole prévoyait une échéance en 2005, avec une vérification par des tierces parties. Alors qu’en 2005, les ONG ne constataient aucune amélioration, le protocole a été prolongé jusqu’en juillet 2008. Il a en prime imposé aux industriels la création d’une fondation dotée de 2 millions de dollars par an, the International Cocoa Initiative (ICI), pour améliorer les conditions de travail. A suivre… Même si beaucoup d’observateurs font remarquer que la seule façon d’envoyer les enfants à l’école plutôt qu’aux champs, c’est d’augmenter les revenus de leurs parents en garantissant un niveau décent au prix du cacao. Le problème, justement (et c’est un autre problème de cette industrie, qui pourtant pèse quelque 13 milliards de dollars), est que les ouvriers agricoles travaillant dans les plantations sont particulièrement mal payés, du fait notamment des faibles prix auxquels est achetée la récolte chaque année (en Afrique de l’Ouest, une étude a estimé le revenu des cultivateurs entre 30 et 110 dollars par an et par membre du foyer)…

  • En mars 2003, Teun van de Keuken, un journaliste de la télévision hollandaise réussissait un très beau coup médiatique. Il s’est rendu à la police d’Amsterdam, en déclarant : "J’ai mangé du chocolat illégalement produit en ayant recours à l’esclavage. Arrêtez-moi." Dans un premier temps, les charges n’ont pas été retenues. Puis en 2005, Teun a surenchéri en demandant à un ancien travailleur du cacao, Kohi Hermann, de porter plainte contre lui. Finalement, en 2007, un tribunal entendra l’ancien esclave du Burkina Faso. Le juge dans sa décision, reconnaît les conditions de travail déplorables de l’industrie du chocolat mais conclut que la responsabilité n’incombe pas aux consommateurs. C’est une vraie reconnaissance pour la démarche extravagante et courageuse de Teun. Le journaliste a par ailleurs profité de sa visibilité médiatique pour lancer Tony’s Chocolonely, des barres de chocolat « slave-free » (garanti sans esclavage) que les Hollandais s’arrachent. Avec les bénéfices, il a ouvert The Chocolonely Foundation, dont la mission est de soutenir, financièrement notamment, des journalistes autochtones dans les pays en développement.
Afficher Masquer

Ce que vous pouvez faire

  • Sur le site Stop Chocolate Slavery, vous trouverez des lettres-types à traduire (elles ne sont hélas disponibles qu’en anglais) et à envoyer aux fabricants de chocolat pour protester contre les conditions de travail dans le secteur. Cela s’applique aux marques de chocolat mais aussi aux producteurs de biscuits, glaces et autres aliments contenant du chocolat même s’il n’est pas l’ingrédient principal.

  • Préférez le chocolat bio et équitable.  On trouve des tablettes labellisées Max Havelaar au supermarché, sous les marques Alter Eco (qui vend aussi sur Internet), Ethiquable, Lobodis, Jardin Bio, Bjorg. La plupart des grandes surfaces en vendent aussi en marque propre : Monoprix, Champion, Carrefour, Auchan, Casino. Et dans les magasins spécialisés bio ou équitable, on achète Artisanat Sel, Artisans du Monde, Bonneterre, Oxfam, Rapunzel…
  • Il existe aussi des marques de chocolat bio, équitable ... et vegan ! En 2017, Artisans du Monde a par exemple lancé une gamme de chocolats qui compte plusieurs tablettes vegan, dont des chocolats au lait (de coco).

  • Du côté des artisans chocolatier, on craque pour Façon Chocolat, qui à Crest dans la Drôme, prépare de sublimes bouchées à partir de cacao labellisé AB en provenance d’Amérique latine, sans ajout de lait, mais avec des produits de la région : pâtes de fruits rouges, amandes ou noisettes…
    On aime aussi, les compositions de l’Atelier du chocolat dont certains "bouquets" sont labellisés Max Havelaar. Et si on est à Paris, on file dans la boutique Puerto Cacao, qui propose un concept de chocolats sur-mesure à partir de fèves équitables. Enfin, chez Chocolatitudes, on ne se prive de rien, puisque cette très jolie boutique ouverte par une archi-gourmande chercheuse en cacao s’est spécialisée sur toutes les marques bio et équitables.
envoyer l'article : Chocolat