1. LE COTON, FAUX-AMI DE LA PLANETE
Le coton n’a que l’air d’une fibre naturelle… hélas sa culture est un véritable désastre sanitaire et environnemental : sur seulement 2,5 % des surfaces cultivées, mais avec 25 % des insecticides utilisés dans le monde et jusqu’à 30 traitements chimiques par an, elle entraîne chaque année l’intoxication d’un million de personnes et le décès de 22 000 autres. Les premières victimes sont les récoltants car les engrais, pesticides et désherbants provoquent de terribles affections cutanées et pulmonaires. Un aspect moins connu, mais également préoccupant de la culture du coton, est celui de l’irrigation. Produire 1 kg de coton nécessite 75 g de pesticides, 2 kg d’engrais chimiques et entre 7 000 et 29 000 litres d’eau. L’assèchement de la mer d’Aral, après que les fleuves aient été détournés en faveur des champs de coton, en est le plus triste exemple.
Préférez donc le coton biologique (portant par exemple le label Skal), dont la culture progresse rapidement, en provenance de pays comme les USA, la Turquie ou l’Égypte.
2. LES TEINTURES ET TRAITEMENTS
La culture n’est que la première étape de la fabrication d’un vêtement en coton. Après avoir été récolté, égrené, filé et tissé, il doit être « ennobli ». L’ennoblissement désigne la succession de traitements chimiques – plus nocifs les uns que les autres ! – infligés aux fibres textiles pour leur conférer certaines caractéristiques. Par exemple, pour obtenir une chemise « sans repassage », on la traite avec des résines synthétiques contenant du formaldéhyde. Pour lui donner un aspect soyeux, on l’imprègne de soude caustique. Le traitement « anti-taches » est à base de résines. Quant aux 4000 colorants chimiques utilisés pour la teinture et l’impression, ils peuvent provoquer des allergies, notamment ceux contenus dans les teintes bleues que l’on trouve dans les doublures de vêtements en acétate et polyester.
Avec le coton bio, on évite une grande partie de ces problèmes. Pour le blanchiment, le peroxyde d'hydrogène ou l'eau oxygénée remplace avantageusement le chlore. Les teintures utilisées sont garanties sans métaux lourds et il existe 75 variétés de coton coloré naturellement. Sinon, apprenez à repérer le label
Oeko Tex (Confiance Textile), qui garantit depuis 1992 l’absence de substances indésirables pour la santé et l’environnement dans les produits finis (interdiction de métaux lourds, de formaldéhydes, contrôle de la nocivité des colorants et de la qualité des eaux usées). Une alternative est de rechercher des produits textiles portant l’écolabel européen, qui garantit des impacts réduits sur l’environnement et la santé tout au long du cycle de vie du produit.
3. LE COTON EQUITABLE, QUELLE GARANTIE ?
Depuis 2005, on trouve le label de commerce équitable
Max Havelaar en France sur des vêtements en coton : la garantie ne porte pas sur la transformation du coton ou sur la confection des vêtements, mais déjà sur la production du coton, assurée par des petits producteurs du Sud équitablement rémunérés (c’est déjà beaucoup car dans certains pays comme l’Inde, les conditions de vie et l’endettement sont tels qu’on a vu des vagues de suicides chez les producteurs). Certains estiment que cette démarche a des limites, dont le fait de ne pas couvrir la conception ou encore le fait que si le coton n’est pas bio, il menace de toute façon la santé des producteurs, même s’ils sont bien payés… Il n’empêche que ces produits ont le mérite d’exister et se développent, portés par des marques ou enseignes comme
Armor Lux,
Célio,
Cora,
Eider,
Hacot et Colombier, Hydra,
Kindy ou
La Redoute.
4. LE VOYAGE DE NOS VETEMENTS
Le pays de fabrication affichée sur l’étiquette de nos vêtements ne doit pas nous abuser sur le fait que la réalité est souvent plus complexe et complètement ignorée du client : un pantalon en jean, par exemple, peut mêler sur un produit vendu en France du coton indonésien confectionné au Bangladesh, avec une fermeture éclair bangladaise et des boutons ou rivets venus de Hong-Kong ! Dans Les Aventures d'un tee-shirt dans l'économie globalisée, Pietra Rivoli, professeur associée à l'université Georgetown, retrace le parcours d’un tee-shirt en coton texan acheté 5,99 dollars en Floride. Les balles de coton dudit tee-shirt quittent le Texas pour emprunter les routes américaines vers la Californie. Chargées sur des bateaux, elles arrivent à Shanghai où le coton est transformé en fils puis en vêtement. Enfin des conteneurs remplis de tee-shirts sont chargés au port de Shanghai, traversent l'océan Pacifique et accostent à Miami… point de départ des balles de coton texan !
À titre d’exemple, le circuit d’une écharpe en coton bio de Seyes est nettement plus court : Maddhya Pradesh, Bombay, Allemagne, Rouen et Roanne… Autrement dit : plus la marque est grande et mondialisée, plus le vêtement a des chances d’avoir voyagé loin sans ménager la planète (l’ADEME a calculé que le transport représentait 6% au total de l'impact environnemental d’un jean) !
5. LES AUTRES FIBRES NATURELLES
Les autres fibres naturelles végétales (lin et chanvre) ou animales (laine et soie) sont beaucoup moins traitées que le coton en production conventionnelle. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elles sont écologiques. La majorité des vêtements en laine vendus dans le commerce sont confectionnés avec des laines venues d'Australie et de Nouvelle-Zélande et, de la toison au pull-over, les différentes opérations ne relèvent pas vraiment de l’écologie : le lavage est particulièrement polluant, la teinture et les divers traitements sont souvent à base de résines afin d’empêcher le feutrage et de permettre le lavage en machine. Quant aux vêtements en soie, ils proviennent exclusivement de pays asiatiques, sans aucune garantie sur les traitements subis aux divers stades de la production. De petites quantités de soie chinoise bénéficient d'une certification bio, mais cette soie reste quasi introuvable sur le marché français. Parmi les autres « nouvelles » fibres d’origine naturelle que vous pourrez croiser au fil de votre shopping écologique, citons les fibres de soja ou l’Ingeo issu de l’amidon de maïs - à éviter en raison du fort risque de culture intensive dans les deux cas, et d’OGM pour le maïs.
Si vous le pouvez, préférez des matières comme le chanvre ou le lin, dont la culture nécessite cinq fois moins d’eau, de pesticides et d’engrais que le coton. Une alternative qui se développe, par exemple avec la marque de lingerie
g=9,8, est le Lenpur, extrait des chutes d’élagage de pins blancs (surtout cultivés en Chine et au Canada pour le moment). Et on trouve désormais beaucoup des vêtements en fibre de bambou qui présente lui aussi l’avantage de pousser sans engrais ni pesticides, mais dont la transformation (quand elle n’est pas mécanique) se fait chimiquement avec des solvants comme l’hydroxyde de sodium ou le disulfide de carbone, de sorte que si le bilan global est meilleur que le coton, certains appellent quand même des process plus écologiques… En attendant, comme pour le coton, il peut être intéressant de privilégier le label Oeko Tex déjà évoqué.
6. LES TEXTILES SYNTHÉTIQUES
En ce qui concerne les textiles synthétiques, il faut distinguer deux catégories de fibres chimiques : celles dites synthétiques (nylon, polyester, polyamide, acrylique), obtenues par synthèse à partir de dérivés du pétrole et qui peuvent dans certains cas être recyclées (Patagonia propose ainsi la récupération et le recyclage de sous-vêtements en polyester, utilisés pour produire de la matière première neuve) ; et celles dites artificielles (rayonne, viscose), obtenues chimiquement à partir de cellulose, matière première naturelle. La viscose est obtenue par dissolution de la cellulose dans de la soude caustique, puis extrudation de cette solution dans un bain d'acide sulfurique et de sulfate de soude qui, en produisant une coagulation, permet la formation de filaments. Ainsi, même si la matière première est d’origine renouvelable, le procédé est loin d’être écologique ! Et il l’est encore moins pour les fibres synthétiques. La synthèse du nylon fait intervenir des produits toxiques tels que l'acide cyanhydrique, l'acide nitrique et le toluène. De quoi chasser immédiatement toutes ces fibres de sa garde-robe ! Aujourd'hui, cependant, des alternatives apparaissent : le Lyocell ou le Tencel, par exemple, sont obtenus à partir de la cellulose du bois selon des process moins polluants, et on les préfèrera pour cette raison avec le label Oeko Tex.
7. QUELLE ETHIQUE SUR L’ETIQUETTE ?
Les questions de délocalisation et de sous-traitance de l’industrie textile dans les pays émergents posent le problème des conditions de travail et du salaire. Dans une usine du Bangladesh qui produit pour de grands distributeurs européens, une opératrice de machine confirmée travaille de 60 à 90 heures par semaine pour gagner l’équivalent de 25 euros par mois : pas assez pour vivre décemment ni envoyer de l’argent à sa famille restée à la campagne. À travers le monde, des millions d’ouvrières de l’habillement vivent des situations similaires. Au milieu des années 90, le nombre d’enfants travaillant dans l’industrie du vêtement s’élevait à plusieurs dizaines de milliers. Sous la pression des États-Unis, alors premier client du Bangladesh, les entrepreneurs et les autorités publiques ont accepté de remédier à cette situation. Et heureusement, les campagnes de sensibilisation «
Vêtements Propres » reviennent régulièrement sur la responsabilité des distributeurs et des marques.
Historiquement, la seule option consistait à se fournir dans des réseaux alternatifs, comme
Artisans du Monde, où la transformation du coton et la confection des vêtements répondent aux critères du commerce équitable. Mais on n’y trouve pas toujours le modèle de jupe ou de robe un peu stylé que l’on cherche… Et du côté des grandes marques, à moins de se mettre à éplucher les audits sociaux des fournisseurs quand elles les fournissent, pas évident de s’y retrouver et s’assurer de la qualité sociale minimale des vêtements que l’on convoite. Concrètement, pensez à consulter les évaluations régulièrement publiées par le Collection
De l’Ethique sur l’Etiquette et aussi, de manière croissante, par les magazines des associations de consommateurs
Que Choisir et
60 Millions de Consommateurs (qui a par exemple publié en décembre 2007 une évaluation sur ces questions des principales marques de jean).
8. LE LAVAGE ET LE SECHAGE
Le lavage, avec le séchage, constitue l’étape la plus énergivore de tout le cycle de vie d’un vêtement. En moyenne, les lavages répétitifs représentent environ 60 % à 70 % de toute l’énergie nécessaire depuis la récolte et peuvent atteindre 90 % si l’on ajoute le séchage en machine, voire le repassage. D’où ces quelques règles de base et de bon sens : porter ses vêtements plusieurs jours par semaine au lieu d'un seul, lorsque cela est possible ; les laver après plusieurs utilisations (l’ADEME estime à cinq utilisations le niveau minimal pour un jean) et dans une machine de classe A, à froid s’ils ne sont pas trop tâchés, en pensant à doser mieux (et donc moins) la lessive ; et enfin éviter le repassage lorsque possible (une personne sur deux repasse ses jeans) ainsi que le séchage en machine.
9. LE PRESSING
Le solvant couramment utilisé pour le nettoyage à sec, le perchloréthylène (surnommé « perchlo »), est réputé toxique pour l’environnement et notre santé. Le développement de cancers du foie et des reins a été observé chez des animaux de laboratoire, et cet effet cancérogène a été confirmé chez l'homme. Dans l'Union européenne, ce solvant est classé comme «nuisible à la santé» et «dangereux pour l'environnement». Du coup, certains pays ont déjà réagi et d'ici 2020, ce produit sera totalement retiré du marché américain. Il existe des solutions de remplacement ; à Disneyland Paris, par exemple, les textiles sont nettoyés au siloxane, un solvant du type silicone, non toxique. En France, des teintureries écologiques commencent à voir le jour, comme ceux du réseau Nature et Propreté. Privilégiez-les si possible, et plus généralement évitez le pressing : si toutefois vous ne pouvez y couper, pensez à aérer vos vêtements avant de les ranger ou de les porter…
10. LE RECYCLAGE ET LE DON DE VETEMENTS
Nous utilisons environ 15 kg de textile, principalement des vêtements, par an et par personne. Mais 85 % de nos vêtements finissent à la poubelle ! Et comme la récupération n’est pas prévue dans le tri sélectif, ils échouent dans un incinérateur ou une décharge … Pour les 15 % de vêtements recyclés, deux filières principales : le recyclage industriel avec la filière chiffon d’essuyage, en perte de vitesse, et celle de l’effilochage qui consiste à réutiliser la fibre pour fabriquer de nouveaux vêtements. Parmi les initiatives dans ce domaine, outre les programmes récemment lancés par Patagonia ou Lafuma sur le domaine des vêtements techniques de sport, saluons le travail de l’
association Recyclaid qui récupère à Paris et dans plusieurs grandes villes de province près de 4 500 tonnes de vêtements en porte-à-porte : une partie est envoyée en Tchéquie et Slovaquie, et les plus abîmés sont transformés en chiffons. Sur le site
www.digitroc.com/dons.php vous pouvez proposer un lot de vêtements à donner ou à échanger avec une personne habitant dans votre département (ou limitrophe). Enfin, rien ne vous empêche de leur offrir une seconde vie en organisant une ronde de vêtements avec vos connaissances et amis !