EN CHIFFRES
- Une production qui pèse lourd
La banane, c’est 80 millions de tonnes produites dans le monde en 2006, dont une grosse part sert à la consommation locale (L’Inde, le Brésil sont par exemple d’énormes producteurs mais n’exportent pas). Restent 16 millions de tonnes qui parcourent la planète et entrent sur le marché mondial (source FAO), le plus gros exportateur étant de loin l’Equateur (Pas loin de 5 millions de tonnes exportées en 2006, toujours selon la FAO). Au total plusieurs millions de personnes dépendent du commerce international de ce fruit, le plus cultivé au monde (et qui figure en prime au quatrième rang, après le riz, le blé et le maïs, des produits alimentaires les plus cultivés).
Traditionnellement, on distingue 3 catégories de bananes :
- L’Europe produit environ un sixième de sa consommation aux Canaries (Espagne), en Martinique et Guadeloupe (France), à Madère (Portugal) et un tout petit peu à Chypres (Grèce). C’est la banane “Euro”
- Les plus gros exportateurs sont en Amérique Latine : Equateur, Costa Rica, Colombie, Guatemala… On parle de banane “Dollars”, parce que les échanges s’y font avec la monnaie américaine et que les Etats-Unis y ont une influence lourde.
- Le reste vient des anciennes colonies des Caraïbes et d’Afrique (Côte d’Ivoire, Cameroun, Sainte Lucie, Jamaïque, Belize…). C’est la banane “ACP” (pour Afrique, Caraïbe, Pacifique).
Or catégorie, Les Philippines, sont aussi un acteur majeur du marché.
A elles seules Dole, Del Monte, Chiquita, Fyffes et Noboa contrôlent 80% du commerce international de la banane.
Cavendish : c’est le nom de la banane cultivée dans toutes les exploitations extensives sur tous les continents. Et ce, même s’il existe plus de 300 variétés différentes.
L’IMPACT SUR LA PLANETE
En la matière, la banane est numéro 2 derrière le coton. De multiples intrants chimiques, sont dispersés en surabondance sur les plantations, parfois par avion. Même les Antilles françaises n’ont pas échappé aux excès. Le chlordécone qui permet de lutter contre le charançon de la banane est un produit interdit aux Etats-Unis depuis 1976. Il est pourtant utilisé en France depuis les années 80 et n’y sera interdit qu’en 1990… Mais deux dérogations successives sont accordées aux Antilles jusqu’en 1993. Plusieurs rapports font au fil des ans le constat des dégâts. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) fait notamment le bilan en 2007 des contaminations : légumes racine en premier lieu, fruits et légumes de la famille des cucurbitacées (les plus proches du sol), les produits de pêche et d’eau douce, certaines eaux de source et 40% du lait maternel.
Le commerce international de la banane implique des fruits parfaitement calibrés et d’aspect impeccable. Conséquence : 30 à 40% des récoltes finissent à la poubelle, selon The Ecologist (Bananas : from plantation to plate, de Ed Hamer juin 2008). Autre forme monumentale de déchets : les plastiques. Il y a celui qui emballe les pesticides. Celui des sacs imbibés de produits chimiques qui protègent chaque régime de bananes des insectes et des araignées pendant qu’elles mûrissent. Celui des ficelles qui attachent chaque régime à un tuteur pour éviter que les fruits ne touchent le sol. (Voir le livre World Agriculture & Environment, de Jason Clay)
Les bananes ont besoin de terres très riches et sont donc cultivées sur les plus fertiles. Au bout de 20 à 30 ans, les sols sont épuisés par la culture intensive et la présence massive de pesticides les rend parfois impropre à toute culture.
Les fruits parcourent des milliers de kilomètres en cargo pour arriver jusqu’à nous. Le voyage depuis les Antilles dure par exemple une dizaine de jours dans des conteneurs réfrigérés à 13°C, pour garder les bananes vertes. Arrivées en métropoles, les bananes sont stockées pendant une demi-douzaine de jours dans des entrepôts à 18°C, où on leur insuffle de l’éthylène (un gaz qu’elles émettent elles-mêmes dans les conditions naturelles), pour les faire mûrir.
CEUX ET CELLES QUI LA CULTIVENT
Les supermarchés compressent les prix de la banane. Ceux qui en subissent les conséquences ? Les ouvriers agricoles sur la plantation.
- Leur santé peut être mise en danger par les produits chimiques
Ces dernières années, des ouvriers de la banane ont osé porter plainte contre leurs employeurs. Ces rares procès mettent en lumière l’ampleur des ravages causés par les pesticides sur leur santé. Exemple : en décembre 2002, un juge du Nicaragua condamne trois entreprises américaines Dow Chimical, Shell Oil et Dole à payer 490 millions de dollars à 583 ouvriers de la banane. Ils sont tous victimes du pesticide Nemagon, interdit aux Etats-Unis en 1977 mais toujours dispersé dans les pays producteurs de bananes d’Amérique du Sud. Ces ouvriers, comme des milliers d’autres, souffrent de stérilité, dépression, impuissance, cancer de l’estomac.
- Leurs conditions de travail et de vie sont souvent précaires
Des journées de 10 à 12 heures de travail, dans une chaleur étouffant, des salaires de misère (qui ne représentent pas plus de 1% du prix final de la banane, selon l’ONG Banana Link), des contrats précaires qui durent entre 3 et 6 mois, des logements indignes de ce nom fournis par le propriétaire de la plantation, des mois de solitude passés sur des plantations reculées, loin des familles… Beaucoup d’observateurs comparent les conditions de vie des ouvriers de la banane à de l’esclavage. Pour les femmes, cela peut être encore plus dur, raconte encore l’ONG Banana Link. Au Costa Rica, certains employeurs exigent un certificat médical prouvant qu’elles ne sont pas enceintes. En Equateur, elles peuvent gagner 3 à 4 fois moins que les hommes. Le harcèlement sexuel est monnaie courante et considéré par les producteurs comme « partie de leur culture ».
- Ils sont parfois des enfants
L’ONG Human Rights Watch a mené l’enquête en 2002 auprès de 45 enfants qui avait travaillé ou travaillaient encore sur des plantations en Equateur (le rapport intitulé Child Labor and Obstacles to organizations on Ecuador’s Banana Plantations, a été publié en avril 2002). 41 de ces enfants ont été embauchés pour la première fois entre l’âge de 8 et 13 ans. « Ils décrivent des journées de travail de 12 heures en moyenne et des conditions dangereuses qui violent leurs droits. […] Les enfants rapportent avoir été exposés aux pesticides, avoir utilisé des outils tranchants, porté de lourdes charges de bananes jusqu’au lieu d’empaquetage, avoir manqué d’eau potable et d’accès aux toilettes, et avoir été victimes de harcèlement sexuel. »