"De toutes les traditions américaines, on choisit le Black Friday !". Cette accroche de la publicité presse de la Redoute parue dans les quotidiens du vendredi 28 novembre en dit long : pour affronter l'interminable crise qui menace tout à la fois la consommation des ménages et les ventes de fin d'année, dans un contexte où pour Noël 2014, 53% des Français envisagent de dépenser moins qu’en 2013 (selon une étude Viavoice pour BPCE/Le Monde/France Info), les commerçants ont choisi cette année d’importer dans l'hexagone les maxi-promotions qui ont lieu chaque année aux Etats-Unis le dernier vendredi du mois de Novembre, au lendemain de la dinde de Thanksgiving. Une date qui marque traditionnellement le coup d'envoi de la période des achats de fin d’année et qui occasionnerait, outre-Atlantique, en moyenne 3 à 5% de recettes supplémentaires pour les enseignes : c’est aussi le jour où les chiffres de ventes sont les plus élevés de l'année aux Etats-Unis, et au Canada près de 3 millions de travailleurs se feraient même porter "malades" au bureau pour profiter des soldes en ce vendredi fou, tandis que 2,3 millions d’autres avouent faire les soldes en ligne ce jour-là depuis leur lieu de travail. Bref, un phénomène emblématique de notre société de (sur)consommation, au point que que les activistes écologistes ont décidé symboliquement de faire du lendemain le samedi de la Journée Mondiale sans Achat (Buy Nothing Day). L’objectif de cette journée, lancée en 1992 par l’ONG canadienne Adbusters : inviter les consommateurs de tous les pays à faire une pause, avant de s’engager dans le tunnel des courses de Noël, pour réfléchir à nos modes de consommation et à leur impact sur la planète.
Mais cette année, donc, c’est la célébration de la (sur)consommation qui l’emporte, crise oblige : par rapport aux années précédentes, peu ou pas d’échos dans les médias français sur la Journée sans Achat, mais en revanche (serait-ce lié ?) de nombreuses pages de publicité qui se sont succédées dans la semaine qui a précédé pour réveiller l’appétit des consommations français à coup de "promos choc" à -40% ou même - 60%, de "prix qui deviennent fous" et de "week-end de folie"… D’Auchan à la Fnac en passant par Amazon, Darty, Habitat, Citadium ou La Redoute, tous les distributeurs s’y sont mis. Auchan a mobilisé, sur cette seule opération, 9 millions de tracts publicitaires et une campagne radio dédiée. Avec, à la clef, trois jours de déstockage massif de vendredi à dimanche, prolongés jusqu’à lundi sur le site Internet. L'histoire ne dit pas comment l'enseigne fait le pont entre cette opération et sa vocation affichée de "discounter responsable".