En dépit de quelques études sur les effets préoccupants des résidus d’hormones et d’antibiotiques dans l’eau, la question des résidus de médicaments dans l’environnement reste mal connue, de même que leurs conséquences éventuelles sur la santé animale et humaine. Le premier Congrès européen sur les pathologies environnementales, qui s’est tenu récemment à Rouen, a tenté d’y voir plus clair sur les liens entre l’environnement et les pathologies, depuis les risques sanitaires du réchauffement climatique jusqu’aux OGM (organismes génétiquement modifiés) ou aux perturbations endocriniennes causées par la pollution. Selon un excellent artice de synthèse paru dans le Quotidien du Pharmacien, le problème est en gros que si l’impact environnemental des médicaments est pris en compte dans les demandes d’autorisation de mise sur le marché, on ne connaît toujours pas les conséquences écologiques à long terme des rejets de médicaments qui s’accumulent non seulement dans l’eau, mais aussi dans les boues et les alluvions – car les stations d’épuration n’éliminent que 10 à 90% des résidus de médicaments, qu’ils soient issus des patients, des centres de soins ou des usines qui les produisent. Et ces résidus s’ajoutent aux nombreux produits toxiques retenus dans l’eau, comme les PCB et les POP, les polluants organiques persistants. Des études menées sur les poissons de l’estuaire de la Seine ont mis en avant de nombreuses malformations combinées à une féminisation croissante des bancs, que l’observe aussi dans d’autres estuaires européens et américains. Ajoutons qu’une partie, certes infime, de ces résidus finit dans l’eau du robinet, ce qui en soi n’est pas préoccupant, vu les dilutions… sauf que cette eau sera bue, en moyenne, pendant 70 ans par la population.
Il y a donc urgence à limiter et à contrôler plus strictement les rejets, mais aussi à développer des actions de sensibilisation auprès de toutes les professions de santé, et notamment des pharmaciens, qui pourraient sensibiliser le public au problème des médicaments non utilisés. Une telle politique existe déjà en Suède, qui a été dès 2003 le premier pays européen à mettre en place une politique de prévention de la pollution par les médicaments, en collaboration avec les médecins et les pharmaciens. Le pays dispose ainsi d’un "classement environnemental des médicaments" dans lequel ceux-ci sont présentés en fonction de leur "toxicité écologique", sur une échelle de 1 à 10 : les médecins sont invités à prescrire, à effet thérapeutique et à prix égal, le médicament le plus respectueux de l’environnement. Les pharmaciens sont, eux aussi, incités à tenir compte de ces critères, notamment lors des substitutions… En outre, afin de réduire le volume de médicaments non utilisés, les médecins ne prescrivent qu’un faible nombre de comprimés en début de traitement, afin de s’assurer qu’il sera bien supporté par le malade, et ne finira donc pas dans une armoire ou, pire encore, dans les ordures ménagères.
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