Le temps a passé depuis 2008, date à laquelle Wal-Mart, leader mondial de la distribution, a approché pour la première fois le leader des vêtements outdoor Patagonia pour en savoir plus sur ses pratiques environnementales. Patagonia confesse encore avoir hésité, mais pas longtemps puisque sa mission l'engage notamment à "utiliser le monde des affaires pour inspirer et mettre en place des solutions à la crise environnementale". Quelques mois plus tard, Yvon Chouinard, fondateur et propriétaire de Patagonia, et John Flemming, responsable du Merchandising chez Wal-Mart, co-signaient un appel commun pour la formation d'un "21st century Apparel Leadership Consortium", envoyé aux plus grandes entreprises de l'habillement et de la chaussure en octobre 2009. Tous ont répondu présents et la Coalition du secteur textile pour le développement durable aux Etats-Unis (Sustainable Apparel Coalition) a été créée l'an dernier par une soixantaine de distributeurs et de marques représentant un tiers du marché mondial (les deux fondateurs mais aussi Nike, Target, Levi’s...).
Sur cette lancée de partage et d'ouverture au-delà de la concurrence, les membres de la Coalition (qui comprend également des ONGs) viennent de rendre publique début août la version 1.0 du Higg Index, un outil d'évaluation libre et élaboré conjointement pour rendre compte de l'impact environnemental de leurs produits textiles sur plusieurs critères : consommation et de rejets d'eau, impacts sur l'énergie et le climat, consommation de produits chimiques et rejets toxiques. Dans ses versions ultérieures, annoncées pour 2013, la méthodologie devrait également couvrir les chaussures et les impacts sociaux, ont affirmé les responsables de la Coalition. L'approche actuelle est une version retravaillée de manière collégiale (avec notamment une évaluation environnementale des matériaux utilisés) de la méthode développée par Nike pour l'éco-conception de ses produits, puis "ouverte" par la marque leader à ses concurrents, croisée avec l'indice Eco-Index qui avait préalablement été développé par l'association des fabricants de produits "outdoor" (dont Patagonia) aux USA. A terme, selon Patagonia, "cet outil pourra également servir d'affichage environnemental pour le consommateur qui, grâce au flash code imprimé sur le produit, pourra avec son téléphone portable prendre connaissance de l'évaluation environnementale et sociale du produit qu'il désire acheter et ainsi comparer un produit à un autre, comme pour une paire de jeans". En attendant, tous les outils sont téléchargeables sur le site de la Coalition.
Particulièrement avancée dans sa réflexion sur ces questions d'open-source, Nike fait de manière croissante le pari que pour pousser plus loin sa démarche, la marque doit désormais non-plus garder confidentiels ses outils et ses résultats, mais au contraire les ouvrir, les "libérer" et les partager avec d'autres, les faire progresser en les croisant à d'autres visions que la sienne, etc. Après avoir donc apporté sa méthodologie d'éco-conception "Considered" pour servir de base à l'indice sectoriel Higg, la marque vient ainsi d'annoncer un partenariat avec Random Hacks of Kindness (une initiative à but non-lucratif d'open-innovation sollicitant le public pour résoudre des problèmes d'intérêt général, lancée en 2009 par Google, Yahoo, la Banque Mondiale, etc.) afin de créer un concours d'éco-conception invitant des designers de mode à utiliser sa banque de données de matériaux écologiques, à laquelle elle a pris l'initiative d'ouvrir l'accès depuis quelques années et qu'elle entend ainsi faire progresser. Décidément, la concurrence n'est plus ce qu'elle était et s'ouvre de manière intelligente à la collaboration... en mode "just do it". Jubilatoire !