Il est désormais incontestable, pour les experts de la santé environnementale, que la présence dans nos environnements quotidiens de perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphénol A, pesticides,... - auxquels les enfants sont exposés dès la vie fœtale et la petite enfance) a un effet sur l'âge d'entrée dans la puberté chez les jeunes filles, qui aurait avancé d'un an ou deux depuis quelques décennies. De fait, "les spécialistes d'endocrinologie pédiatrique s'accordent à reconnaître que nous faisons face à une véritable épidémie de développement prématuré des glandes mammaires chez les petites filles", a déclaré au quotidien Le Monde le professeur Charles Sultan, chef du département d'hormonologie au CHU de Montpellier. Or l'OMS cite dans une brochure de 2002 une étude où différentes substances ont été recherchées dans le sang de 41 filles ayant un développement mammaire prématuré et 35 filles qui n'en avaient pas : 68 % des filles ayant une précocité pubertaire avaient des niveaux mesurables de phtalates contre 17 % chez les témoins. De même, l'équipe du professeur Sultan vient de publier, dans la revue Gynecological Endocrinology, l'observation d'une fillette de 4 ans qui avait un développement mammaire, des règles et un utérus augmenté de taille : plusieurs pesticides (DDT, DDD, lindane, sulfate d'endosulfan) ont été retrouvés dans son sang, celui de ses parents agriculteurs et dans le sol de leur ferme, ce qui amène les médecins à concure que son développement sexuel précoce était "probablement causé par l'activité œstrogénique liée à la contamination de l'environnement par des tonnes de pesticides". Malgré cela, le ministre de la santé Xavier Bertrand avait jugé "prématurée" le 14 avril dernier une proposition de loi du Nouveau centre visant à interdire les perturbateurs endocriniens - indiquant qu'il préférait attendre le résultat d'expertises sur le bisphénol A, attendu fin 2011, et fin 2012 pour d'autres substances, avant de statuer.
A la surprise générale, l'Assemblée nationale lui a donné tort en adoptant hier en première lecture (236 voix contre 222) et malgré l'opposition du gouvernement et de l'UMP, ladite proposition de loi qui interdit l'utilisation de perturbateurs endocriniens comme les phtalates et les parabènes. Pour mémoire, certains phtalates, utilisés pour assouplir le plastique, sont déjà interdits pour les jouets et articles pour enfants. Mais ces substances chimiques, dont la proposition de loi souligne "les effets délétères sur la mise en place du potentiel reproducteur masculin dans l'espèce humaine", sont présentes dans de nombreux produits au quotidien : emballages, adhésifs, peinture, vernis à ongles, laque pour les cheveux, parfums... Quant aux parabènes, "suspectés de provoquer chez les femmes des cancers du sein et d'être néfastes à la fertilité masculine", ils sont utilisés notamment comme conservateurs dans des produits cosmétiques.