Firmenich reste un nom peu connu en dehors de l’industrie de la parfumerie et en particulier du grand public. Il faut dire que cette entreprise suisse est par nature discrète puisqu’elle fournit les parfums et arômes des plus grandes marques cosmétiques et alimentaires, derrière lesquelles elle a vocation à s’effacer. Elle n’en est pas moins, avec 6500 salariés, l’entreprise privée la plus importante de son secteur. Et cette entreprise plus que centenaire (elle fut créée en 1895) n’hésite pas à innover radicalement…
La preuve : en Inde, elle a lancé en 2015 une initiative très novatrice visant à mieux cerner les préférences olfactives et gustatives des consommateurs à bas revenus. Le principe : remplacer le recours à des sociétés de marketing classiques, peu accoutumées à interagir avec les communautés les plus défavorisées et dont les enquêtes sur ces publics étaient jugées peu satisfaisantes, par un partenariat avec la Fondation Naandi, visant à recruter des jeunes adultes sans emploi issus de ces communautés en les formant à faire des enquêtes marketing. Des projets-pilotes menés en 2012 avaient montré que le fait que les jeunes fassent partie de ces communautés pauvres leur permet d’être mieux acceptés, de ne pas avoir de barrières quant aux dialectes utilisés et de mener les entretiens de manière non-intrusive, avec des conclusions bien plus fiables. Et un projet à grande échelle, baptisé “Shared Senses and Sensibilities”, a ensuite été mené dans quatre régions de l’Inde. La méthodologie d’enquête est également adaptée : les consommateurs sont rencontrés à 4 ou 5 reprises pour privilégier les échanges informels (et leur permettre de tester des produits entretemps), le questionnaire est travaillé pour éviter tout jargon…
Pour Firmenich, l’initiative n’a que des avantages : à une démarche solidaire originale dans le BtoB, elle associe donc une meilleure compréhension de ces consommateurs "du bas de la pyramide" (ils gagnent entre 3 et 10 dollars par jour) mais aussi de leur mode de vie, de leur culture, de leur relation à la consommation, de leurs usages et attitudes ou de leurs préférences. Cette compréhension est déterminante dans la capacité de l’entreprise à développer ensuite des parfums et produits d’hygiène-beauté (savons, dentifrices, shampooings…), notamment, accessibles à ces consommateurs pauvres - dans un contexte où le parfum est auprès de ces publics un élément-clef pour véhiculer tout à la fois l’idée de propreté, de mode de vie sain et d’estime de soi. Au point que Firmenich envisage désormais d’étendre ce projet à d’autres pays comme le Brésil, le Nigeria et l’Afrique du Sud.