Le documentaire Black Fish, sorti mi-2014, avait préparé le terrain en dénonçant les conditions de vie (et de capture pour les animaux prélevés en milieu sauvage) des orques en captivité : selon le Washington Post, le géant des parcs d’attraction marins SeaWorld avait dans l’année qui a suivi la sortie du film vu son action dégringoler de 60% … et s’était engagé à agrandir les bassins qui accueillent les orques et à financer des actions importantes visant "l'étude et la protection des orques dans leur environnement naturel". Dans la foulée, certains acteurs comme le groupe Virgin s’étaient engagés, dans le cadre des activités touristiques et de loisir du groupe, à ne plus travailler des parcs de loisir ou des zoos encourageant ou pratiquant la capture de dauphins et d’autres mammifères marins (orques, belugas, etc.) sauvages. Depuis, les ONG mais aussi les pouvoirs publics faisaient pression sur les uns et les autres pour aller plus loin, en intégrant aux engagements la question des orques nés en captivité (SeaWorld n’a plus capturé un orque en milieu sauvage depuis 40 ans).
C’est chose faite pour ce qui concerne SeaWorld depuis mars dernier : le PDG Joël Manby a en effet tout simplement annoncé, dans le Los Angeles Times, la fin de l’élevage d’orques en captivité, et des spectacles mettant en scène ces animaux. Selon lui, ce changement radical de modèle économique est lié au fait que l’attitude des consommateurs a radicalement changé depuis 1964, date d’ouverture du premier Parc SeaWorld : à l’époque, les orques étaient craints et chassés. Cinquante ans plus tard, ils sont l’un des mammifères marins les plus populaires au monde. Selon lui, l’existence des parcs SeaWorld aurait d’ailleurs joué un rôle dans ce renversement de point de vue, avec 160 millions de spectacteurs en plus de 50 ans. Mais il est temps désormais pour l'entreprise, selon son PDG, d’apporter une réponse à la hauteur des attentes de ses parties prenantes… quitte à changer radicalement son cœur d’activité. C’est pourquoi Seaworld a annoncé l'arrêt, dès fin 2016, des programmes d’élevage d’orques en captivité, et la fin des spectacles mettant en scène ces orques, qui ont fondé son succès.
En revanche, dit le PDG, il est impossible de relâcher les orques et les dauphins actuellement présents à SeaWorld, comme le demandent aussi les ONG : ces animaux, nés en captivité ou y ayant vécu la majorité de leur vie, ne pourraient pas survivre en milieu sauvage. Il rappelle que le débat est plus large que le sort des mammifères présents chez SeaWorld : les scientifiques prédisent ainsi que d’ici un siècle, 50% des grands mammifères marins auront disparu… comme c’est le cas depuis des décennies, à un rythme comparable à celui des cataclysmes comme l’âge de glace. C’est pourquoi l’entreprise a également annoncé un partenariat avec l’ONG Humane Society pour lutter contre la chasse de ces mammifères et la pollution des océans, mais aussi pour recentrer son travail sur le secours aux animaux marins blessés qui sont recueillis et ne peuvent être relâchés. De manière moins centrale, SeaWorld s’est aussi engagée à intégrer la question du bien-être animal dans son offre alimentaire et à ne servir plus que des aliments produits dans des conditions compatibles avec le développement durable.