Un groupe d’experts de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) vient de rendre son rapport à la Direction générale de la santé (DGS) sur les addictions aux jeux d’argent et aux jeux vidéo, moins connues mais tout aussi préoccupantes que celles au tabac ou à l'alcool : les études internationales montrent que, dans une majorité de pays, 1 % à 3 % des joueurs présentent une façon de jouer pathologique, avec des conséquences sociales et financières importantes (paupérisation, surendettements, suicides, problèmes familiaux et divorces liés au jeu, …). Au Canada, une enquête au sein d’une population de joueurs a mis en évidence jusqu'à 30 % de pertes d’emploi et de faillites personnelles liées au jeu. Naturellement, le risque d'addiction varie avec le type de jeu : plus le délai entre la mise et le gain attendu est court, comme dans les jeux sur écran, plus la possibilité de répétition du jeu est élevée, plus le risque d’installation du jeu pathologique est grand.
C'est ce qui est arrivé à Jean Brochu, un avocat québécois qui s'est mis à jouer sur des machines de loterie-vidéo en 2000, et a sombré ensuite dans la dépendance, l'endettement, le chômage (il a détourné de l'argent de son employeur pour couvrir ses dettes) : une rapide descente aux enfers qui l'a mené au bord du suicide. Mais Jean Brochu est avocat et, rassemblant autour de lui quelque 120 000 joueurs compulsifs, il a lancé une action collective contre Loto-Québec, la société nationale qui gère les jeux d'argent. Au total, les plaignants demandent 700 millions de dollars de dommages et intérêts, pour payer le coût des traitements requis par les joueurs pour soigner leur dépendance aux jeux de hasard et d'argent. Ils estiment qu'il y a eu faute de la part de Loto-Québec dans l'exploitation des vidéopokers, qui affichent désormais des avertissements sur les écrans des machines. Selon la requête, le gouvernement du Québec "connaissait depuis le début des années 80 les risques de devenir joueur pathologique - un trouble reconnu par le manuel diagnostic de la psychiatrie nord-américaine. Or, tout en sachant cela, Loto-Québec n'a pas donné de mise en garde avisant les gens du danger potentiel de développer une dépendance. Loto-Québec n'a donc pas hésité à installer les appareils pour des motifs de profits et de lucre".
Le procès, qui débutera le 15 septembre, devrait être suivi dans le monde entier… car une victoire des victimes de l'industrie des jeux d'argent et de hasard aurait un impact tout aussi important que le premier recours collectif gagné par des victimes de l'industrie du tabac. Tout cela dans un contexte où les entreprises de gestion de jeux d'argent, qu'il s'agisse de Loto-Québec depuis 2002 ou de la Française des jeux depuis 2006, ont mis en place, sentant monter la pression, des actions de promotion du "jeu responsable" et de protection des "populations sensibles" (jeunes et populations économiquement fragiles) dans la foulée des pratiques du leader britannique dans ce domaine Camelot.