D’après un récent article du Monde, le groupe américain de parcs aquatiques vient d’annoncer qu’il aurait vu son chiffre d'affaires plonger de 5 % sur les six premiers mois de 2014, a-t-il annoncé mercredi 13 août. Une chute qui pourrait encore s’aggraver cet été, pic de fréquentation des parcs d'attraction – puisque le groupe coté à la Bourse de New York anticipe un recul de 7 % de son activité sur l'ensemble de 2014. Wall Street n’a pas manqué de réagir avec virulence à cette annonce, puisque le titre Seaworld a perdu un tiers de sa valeur, atteignant un plancher historique depuis son introduction en Bourse en 2013. A l’origine de ces difficultés, la tempête médiatique qui a suivi la sortie du documentaire « Blackfish » (voir la bande-annonce ici - le film étant disponible depuis peu en DVD et VOD dans l’hexagone).
Gabriela Cowperthwaite, la réalisatrice, lève le voile sur les conditions de vie des orques en captivité et mène une enquête à charge à partir de la mort tragique d'une dresseuse, Dawn Brancheau, happée en février 2010 en plein spectacle par Tilikum, un orque mâle appartenant à Seaworld. Le documentaire montre notamment comment ces mammifères de près de 10 tonnes, à l’intelligence réputée, enchaînent les traumatismes : par exemple, dans le cas de Tilikum, le choc initial de sa capture à l’âge de deux ans en 1983 et la séparation d’avec sa famille fut suivi des privations alimentaires associées au dressage puis du rythme infernal des spectacles (toutes les heures, huit fois par jour, sept jours par semaine), et de l’isolement total pendant un an après la mort de Dawn Brancheau. Face à ces stress répétés, les orques développent des caractéristiques (dont la plus connue est l’aileron dorsal courbe) et des comportements agressifs jamais observés dans la nature (le film rappelle qu’aucun cas d’attaque par des orques sur des humains n’a jamais été relevé à l’état sauvage). Il révèle aussi, d’ailleurs, que l'orque Tilikum avait déjà agressé et tué plusieurs autres personnes, dont une dresseuse au Canada et un spectateur en 1999.
Le groupe Seaworld est accusé de n’en avoir pas tenu compte en raison de son avidité financière (non content d’être le plus gros orque mâle détenu en captivité au monde, Tilikum est aussi un reproducteur précieux dont la progéniture est en train de se répandre dans tous les parcs aquatiques de la planète – 54% des orques peuplant les parcs du groupe Seaworld auraient ainsi ses gènes), mais aussi de n’en avoir jamais informé ses dresseurs, dont le niveau de formation et d’information est mis en cause. Le documentaire a connu un succès retentissant (21 millions de personnes devant CNN lors de sa diffusion américaine en octobre 2013, et 1 million de téléspectateurs devant Arte lors de sa diffusion le 27 juin dernier) et Seaworld, mis en cause par tous les médias et les réseaux sociaux depuis près d'un an, s’est défendu tant bien que mal : le groupe a mis en ligne un contre-argumentaire détaillé dénonçant le contenu « malhonnête » du documentaire et vantant au contraire son éthique, ses méthodes, etc. Seaworld, dont les parcs accueillent chaque année 26 millions de personnes, vient donc tout juste de reconnaître l’impact du film sur sa fréquentation, en même temps qu’il annonçait quelques mesures pas tout à fait convaincantes, comme l’agrandissement des bassins qui accueillent les orques et le versement de 10 millions de dollars pour « l'étude et la protection des orques dans leur environnement naturel ». Pas sûr que cela lui suffise pour sortir la tête de l'eau...