Cependant qu’en France le collectif anticapitaliste "l'Appel et la pioche" organise depuis peu des pique-nique surprise dans les supermarchés pour protester contre les profits de la grande distribution et la baisse du pouvoir d’achat (des militants se retrouvent à l’heure convenue, se servent dans les rayons du magasin et proposent aux clients de déguster gratuitement gâteaux, apéritifs ou jus de fruits), un autre militantisme consumériste, plus positif, s’épanouit outre-Atlantique. "Carrotmob est l’exact inverse du boycott", selon son fondateur Brent Schulkin, 27 ans, un ancien de Google, autoproclamé "militant frustré par l’inefficacité des méthodes traditionnelles de militantisme – les manifestations, les boycotts, les mails aux députés ou aux PDG, etc.". Au cœur du projet Carrotmob, un site internet activiste et écolo, au graphisme ludique et dont l’objectif est de mobiliser un grand nombre de consommateurs sur des actions "coup de poing" mais positives, visant à soutenir les entreprises qui s’engagent à adopter des pratiques respectant l'environnement. Comment ça marche ? La première action menée par Carrotmob à sa création il y a un an est emblématique de l’approche retenue : Schulkin a d’abord mis en concurrence 20 supermarchés de proximité dans le quartier de Mission, à San Francisco, pour savoir lequel serait prêt à consacrer à la rénovation écologique de son magasin la part la plus importante du chiffre d’affaires réalisé durant une campagne de mobilisation de quelques heures. K&D Market a remporté le concours avec l’intention d’utiliser 22% des ventes réalisées pendant les 4 heures de l’événement pour changer l’éclairage et si possible revoir les systèmes de froid du magasin au profit d’équipements plus économes. Schulkin s’est ensuite occupé à mobiliser les consommateurs, utilisant des réseaux sociaux sur Internet comme Facebook et MySpace. Résultat : quelques centaines de personnes se sont retrouvées dans le magasin à l’heure convenue, pour acheter des produits courants dont elles avaient un peu retardé l’achat – et sont reparties satisfaites d’avoir aidé le magasin à devenir plus vert. Le bon côté est que, grâce à l'approche hautement pragmatique et réaliste de Carrotmob, les entreprises génèrent un chiffre d’affaires additionnel et peuvent facilement, grâce à cela, mettre en œuvre une idée simple pour "verdir" leurs activités. Schulkin fait d’ailleurs appel aux entreprises, en arguant du fait que Carrotmob ne les critiquera pas (le site préfère, comme son nom l’indique avec humour, la carotte au bâton !) mais les aidera à augmenter leurs ventes et leurs profits, à améliorer leur réputation… à condition qu’elles s’engagent à en investir une partie dans leur responsabilité sociale et environnementale. Le moins bon côté de l'histoire est qu'évidemment les alter’consommateurs les plus militants risquent de devoir acheter des tonnes et des tonnes de chips ou de papier toilette pour financer de petits changements… dont certains continueront à regretter qu’ils ne soient pas mis en œuvre de toute façon, sans carotte ni bâton !