De Treehugger à Fast Company, le monde des médias est riche, actualité oblige, d'hommages à Steve Jobs, y compris en lien avec le développement durable. Car la portée du legs du génial fondateur d'Apple s'étend bien au-delà des fans de la marque, dont nous sommes, et de l'univers de la high-tech. Même si Jobs n'en était pas à un paradoxe près en matière de développement durable. Car l'homme qui a dématérialisé la musique et rendu obsolète l’objet polluant qu’était le CD (sa plate-forme de téléchargement iTunes est depuis 2008 le premier vendeur de musique devant Wal-Mart aux USA) savait aussi, comme personne, donner envie aux consommateurs de produits dont ils n'avaient pas besoin, les inciter à changer leur iPhone quasi-neuf pour la prochaine version si vite annoncée, tout en se payant le luxe sur ses iPhone de ne plus permettre le changement de batterie qui en aurait prolongé la vie. Et dans dernier classement des marques high-tech responsables publié par Greenpeace en 2010, Apple était retombé de la 5e à la 9e place, avec une politique jugée insuffisante sur les énergies renouvelables, une trop faible utilisation de plastique recyclé ou une carence sur l'élimination des substances toxiques autres que le PVC et les retardateurs de flamme bromés…
Pourtant, Steve Jobs n'a pas fini, par bien des aspects, d’inspirer des générations d’entrepreneurs et d’innovateurs responsables. D'abord avec sa vision humaniste et politique du design comme de l'entreprise : pour lui, un produit et une entreprise n'ont de légitimité que dans leur capacité à avoir un rôle social positif, aidant l’homme à progresser et rendant le monde un peu meilleur. Rappelons-nous qu'avant Macintosh, l'ordinateur était réservé aux informaticiens parlant fortran ou cobol, et non l'outil formidable de développement de la créativité de chacun qu'il est devenu, y compris pour les enfants handicapés. Ensuite, Jobs refusait obstinément de faire des études de marché pour savoir ce que voulaient ses clients : il croyait que c’est l’offre qui définit la demande, et non l’inverse - et savait qu'aucune innovation radicale n'est jamais née dans un groupe consommateurs ou une étude marketing. Comme l'écrit le blogueur Om Malik, "Steve n'avait pas peur d'avoir une vision de long terme, alors que nous vivons dans un monde de court terme. Steve nous apprend que, lorsque vous avez raison, mais que le reste du monde ne le voit pas, il faut juste être patient et attendre que le monde change d'avis." Enfin, le parcours de Steve Jobs vient aussi nous rappeler qu'une marque ne peut être première de son marché si elle n'est pas aussi la première sur le développement durable et la transparence : en réaction aux campagnes menées par Greenpeace, sa lettre ouverte de 2007, "A greener Apple", dans laquelle il s’engageait à faire de la marque le leader environnemental que ses "fans" attendaient, est très révélatrice à cet égard. Depuis, les "bilans environnementaux" publiés pour chaque produit, tout comme l’ambition écologique que Jobs avait mis dans le futur siège social d’Apple à Cuppertino, font figure d’exemples avancés…