Sans surprise, les 8,6 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté (soit 964 € de revenu par mois pour un individu seul) sont aussi les moins sensibilisés à la question de la consommation durable. C’est le constat que dresse la première étude "consommation durable et précarité" réalisée par les instituts Kantar et TNS Sofres pour le compte du cabinet Ethicity et du média solidaire Youphil. Avant tout soucieux du coût de la vie dans un contexte de crise économique, ils ne sont ainsi que 61,8 % (contre 68 % en moyenne) à considérer le développement durable comme une nécessité. Et 48,5 % d’entre eux estiment qu’il y a trop de produits durables, responsables ou verts dans les supermarchés, contre seulement 37,9 % des Français en général. Autres constats de l'étude : 24 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté jettent les produits qui ont dépassé la date de péremption, contre 18,7% pour les Français en général, tandis que 44,9% évitent les produits ayant trop d'emballage (contre 49,4% en moyenne). Il semble que la confusion et le sentiment d’un manque d’informations sur le sujet soient les facteurs principaux qui les conduisent à se détourner des produits ou pratiques "responsables". Et l'étude de conclure sur la nécessité de rendre les messages sur la consommation responsable plus concrets et simplifiés, en valorisant les avantages liés à cette approche de la consommation. Des conclusions qui rejoignent celles du rapport "Pour une consommation durable" réalisé sous la direction d'Elisabeth Laville (fondatrice de Mescoursespourlaplanete.com) et remis à Nathalie Kosciusko-Morizet début 2011, qui insistait déjà sur la nécessité, pour les publics les moins favorisés, de mettre en avant les pratiques générant un avantage financier et celles amenant un avantage pour la santé. D'ailleurs, le bien-être de ses proches et la santé sont les deux premières préoccupations des personnes interrogées, après le coût de la vie (45,7 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté placent parmi leurs principales préoccupations le bien-être de leur famille et de leurs proches, contre 55,1% pour la moyenne des Français, et 40,7% en font de même pour la santé, contre 50,3%). Le rapport insiste aussi sur l'opportunité de valoriser les savoir-faire liés au système D, par exemple. Et sur la nécessité d'accompagner ces catégories de consommateurs : il fait apparaître, assez logiquement, une attente d'information des supermarchés (22% vs 19,8%), et des systèmes récompensant les "bons choix" des consommateurs (33,2% vs 26%). Rappelons que l'approche récurrente et collective, par exemple via le coaching d'habitants d'un même immeuble de logement social, est également une solution pertinente : ainsi dans le cadre du programme Médiaterre d'Unis-Cité, des jeunes en service civique accompagnent des familles dans l'apprentissage des écogestes sur plusieurs mois - et le bilan faut apparaître qu'en 4 à 5 visites, les comportements évoluent et les familles affichent des économies mensuelles allant de 10 à 20 euros, selon les cas (sur la première année, 44% des produits d’entretien avaient été remplacés par des recettes de grand-mère ou des produits multi-usages, les familles ayant choisi de travailler sur leur consommation de viande l’avaient divisée par deux, 63% des familles faisaient leurs courses avec un sac réutilisable, les familles ayant travaillé sur leur consommation d’eau avaient réduit de moitié leur recours à des bains, etc.).