La mission confiée en 2008 à l'AFSSET (agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) avait pour objectif d'évaluer les dangers des nanomatériaux pour la population et l'environnement. Ces composés nouveaux se caractérisent par une taille à l’échelle du nanomètre (un milliardième de mètre), ce qui leur donne des caractéristiques particulières de finesse, de pénétration, etc. - selon les cas. La conclusion de l'AFSSET a été rendue suite à l'examen approfondi de 4 produits : des chaussettes antibactériennes aux nanoparticules d'argent, du ciment autonettoyant au dioxyde de titane, une crème solaire elle aussi au dioxyde de titane et du sucre en poudre contenant de la nanosilice utilisée comme antiagglomérant. Ces résultats étaient très attendus tant par les industriels que par les associations. "Le risque ne peut pas être évalué et ne peut donc pas être exclu" a finalement déclaré l'agence, précisant aussi que "des études montrent que ces nanoparticules peuvent atteindre la couche profonde de l'épiderme". Ainsi dans le cas des chaussettes antibactériennes contenant des nanoparticules d'argent, l'expertise conclut que les risques pour l'homme sont non négligeables (exposition cutanée) et les dangers environnementaux importants (dispersion forte, propriété biocide). ''Si 10 % de la population portait ce type de chaussette, 18 tonnes d'argent seraient rejetées dans les eaux superficielles via les lessives…'', illustre le directeur général de l'AFSSET. Concernant le ciment autonettoyant contenant des nanoparticules de dioxyde de titane, l'expertise n'exclut pas les risques pour l'homme (voie d'exposition respiratoire) et l'environnement (dispersion) même s'ils ne peuvent pas être évalués aujourd'hui. Et de son côté l'étude du lait solaire contenant des nanoparticules de dioxyde de titane révèle que des incertitudes subsistent, notamment sur le potentiel de pénétration cutanée et sur l'activité phototoxique pour l'homme et sur la dispersion dans l'environnement.
Des conclusions plutôt inquiétantes, car les nanotechnologies sont présentes dans tout notre quotidien et à notre insu, à travers près d'un millier de produits en circulation, du simple article de sport au sel de cuisine en passant par les emballages alimentaires ou les vêtements. L'AFSSET recommande donc aux entreprises d'informer les consommateurs grâce à un étiquetage plus clair et d'assurer la traçabilité des nanomatériaux. Certains produits pourront aussi être interdits si le rapport bénéfice/risque s'avère insuffisant. Les organisations écologistes se réjouissent de cet avis mais continuent à réclamer que le fond du problème soit lui aussi abordé : l'utilité sociale des nanotechnologies. "Avons-nous vraiment besoin de crèmes solaires plus transparentes ? De sucre en poudre dont les grains ne s'agglomèrent pas ? De chaussettes antibactériennes ?" s'interrogent ainsi Les Amis de la Terre dans un communiqué. L’association a notamment publié en mai 2006 une étude sur l'utilisation croissante de nanoparticules dans les crèmes solaires, dont celles de grandes marques comme Chanel, Lancôme et Dior, sans aucune étude jugée sérieuse sur les risques encourus, puis une seconde en mars 2008 sur l’intégration des nanotechnologies dans l’alimentation et l’agriculture. "N'y a-t-il pas d'autres priorités sociales et économiques ? Il est inacceptable que quelques entreprises décident en toute irresponsabilité de diffuser des technologies dont les impacts sur l'être humain et l'environnement sont potentiellement graves et irréversibles" concluent les responsables de l’ONG.