L’affaire a de quoi émouvoir les foules de consommateurs responsables britanniques. Car Innocent Drinks est vue comme une entreprise pionnière en matière de développement durable : la marque anglaise de jus de fruits mixés, sains et naturels (les « smoothies », dont Innocent détient désormais 71% du marché anglais), créée par trois jeunes diplômés à peine sortis de Cambridge en 1998, propose ses produits dans des bouteilles en plastique recyclé, redistribue ses invendus aux associations aidant les sans-abri, effectue des audits sociaux et environnementaux chez ses fournisseurs avec l’ONG Rainforest Alliance, a créé une fondation qui aide les petits producteurs des fruits dans le monde entier, et a surtout été l’une des trois entreprises volontaires outre-Manche pour tester l’étiquetage carbone de ses produits, compensant par ailleurs ses émissions de CO2 en finançant des projets d’énergie renouvelable dans les pays du Sud. Mais voilà qu’une ONG écologiste, Rising Tide, l’accuse via The Daily Telegraph de greenwashing, c’est-à-dire de mise en avant d’informations fausses sur ses pratiques environnementales. Sur son site web, Innocent annonce en effet que ses boissons sont produites en Grande-Bretagne et que les fruits voyagent exclusivement par bateau ou rail, pour limiter l’impact sur le climat. Or, selon le quotidien anglais et Rising Tide, les jus seraient en réalité mélangés en Europe avant d’être expédiés par camion pour être embouteillés en Angleterre. Innocent a aussitôt reconnu que sa production avait en effet été déplacée à Rotterdam, sans que cela ne soit signalé à ses clients (le lieu de fabrication n’est pas indiqué sur les bouteilles) ni que les textes obsolètes de son site web ne soient mis à jour. Pour Rising Tide, "nous sommes désormais noyés sous les arguments faussement écologiques… Même les entreprises sensées avoir les plus hauts standards éthiques y ont recours, et le problème majeur est que tout cela encourage les consommateurs à croire qu’ils n’auront pas à changer de comportement pour combattre le changement climatique". Une occasion de rappeler que les jus les plus écologiques (voir notre fiche-produit sur le sujet) restent ceux produits localement avec des fruits locaux (par exemple le jus de pomme en France) ou ceux faits à la maison, qui économisent l’emballage plastique et gagnent en saveur ou en vitamines !